20 novembre 2006

Bon, je vais bien.

C’est amusant, mais ici, on doit constamment rassurer les gens sur la situation. Il faut dire qu’il y en a besoin.

Bref rappel d’actualité récente mais pas assez pour les médias français : les Congolais de RDC (Kinshasa) ont eu à voter il y a quelques semaines pour départager J.Kabila de JP.Bemba (cf. un post d’il y a quelques semaines). Le premier a le soutien de la communauté internationale, et est fortement soutenu dans l’est et le nord du pays. Le second fait plus peut, c’est un chef de guerre, il n’hésite pas à recourir à la violence, et est en revanche plébiscité à l’ouest du pays, et plus particulièrement à Kinshasa, entièrement acquise à sa cause.

Problème : les résultats officiels doivent être donnés dans la semaine qui vient. Cependant, comme l’annoncent les résultats provisoires, il est sur le point de perdre face à Kabila, de l’ordre de 30% contre 70%. Et de contester les résultats non proclamés, et crier à la fraude massive. Ce qui a de grandes chances d’être vrai, mais aussi de faire tomber le pays dans la guerre civile.

Bref, plus les résultats s’approchent, plus la tension monte. Samedi dernier, nous étions au travail, comme d’habitute. La veille, nous avions reçu un texto de l’ambassade de France annonçant que les Shégués (enfants des rues, mais bon, ils sont nombreux à avoir 25-30 ans…) allaient se réunir sur le Boulevard du 30 Juin (la plus grosse artère de la ville, une sorte de Champs-Élysées couleur locale), devant le siège de JP.Bemba, pour lui affirmer leur soutien.

Le samedi matin, des tirs de mitraillette ont été entendus : comme on pouvait d’y attendre, la manifestation a tourné à l’affrontement, les shégués étant bien entendu venus pour en découdre. Et puis la garde rapprochée de Bemba s’y est mise également, à tirer sur les forces régulières de la police. Quelques obus ont aussi été tirés, mais les mérites du mortier dans la dispersion de foule sont encore à prouver, et la tension n’est retombée que bien plus tard dans la journée.

Entretemps, nous avons reçu l’instruction de rester cantonnés chez nous. Certains collègues n’ont pas pu atteindre leurs appartements, qui étaient situés derrière la zone d’affrontement. De l’agence, on pouvait voir l’exode des taxis brinquebalants fuyant le centre ville… et nous avons remonté le flot des voitures, car c’est en centre-ville que nous habitons ; nos chauffeurs roulaient à tombeau ouvert, car s’arrêter peut signifier pas mal de problèmes surtout pour les blancs qui sont assimilés par la population à des américains, c'est-à-dire à des soutiens de Kabila, c'est-à-dire à des ennemis de Bemba, c'est-à-dire à des ennemis de la population Je schématise, tout le monde n’est pas hostile, mais dans ce contexte, nous n’avions pas vraiment le cœur à considérer les affinités respectives des uns et des autres.
A notre arrivée, les rues étaient désertes, et la ville semblait attendre de voir ce qui allait se passer. Le temps de fourrer quelques affaires dans un sac de voyage, nous sommes allés toujours à pleine vitesse au Beach (l’embarcadère) pour prendre notre bateau… arrivés de l’autre côté, à Brazzaville, on a pu souffler : pas vraiment eu chaud, mais au moins, en cas de coup dur, on est en sécurité.

Aujourd’hui, les informations sont les suivantes : les heurts ont fait quatre ou cinq morts, Bemba contrôle plus ou moins la ville, les gens sont à bloc et semble ne pas vouloir accepter la défaite de Bemba. De son côté, à ce que nous savons, Bemba a fait partir sa famille aux Etats-Unis, et ses voitures à Brazzaville… Cet homme semble prudent…

Bref, je suis à Brazza, j’y reste selon toute évidence pour la fin de la semaine, et pour le reste on attend de voir !
Comme je vous le disais, tout va bien, et il n’y a pas de souci à se faire pour moi, tant que les soucis restent de l’autre côté du fleuve !
Allez, je vous tiens au courant, et à bientôt !

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