27 mars 2006

Le mot du jour #2

Recouvrement éventuel des concepts – élément manquants – éléments fournis – éléments fournis manquants – zeugma pour les lecteurs avertis – universalité de Rome – sens caché du mot du jour – succession regrettable des surprises – poules d’attelage – dos d'âne - de chameau - de stégosaure – caractère littéraire du reste


Le mot du jour sera aujourd’hui une expression. Pour ceux que cela chagrine, ils pourront toujours se dire qu’il s’agit de l’expression du jour. Pour ceux que cela indiffère : soit.

Et ce mot qui est une expression c’est connaître la route. Ce qui ici est tout un programme. A mon arrivée à Brazzaville, je n’avais : a) pas de voiture, b) pas de permis, c) pas de chauffeur, d) de connaissance de la ville. Ainsi, j’en étais réduit à demander un peu pour pouvoir sortir. Mais cet état ne dura pas, car rapidement on m’accorda : a) une voiture, que je laisse cependant à la disposition de l’agence au cours de la journée, mais qui est mienne quoi qu’il advienne soirs et week-ends, b) un permis de conduire congolais, ce qui ne change rien mais augmente un peu la conformité aux règles, c) un chauffeur en journée, car il faut ce qu’il faut.
Tout lecteur attentif notera qu’il manque un point, à savoir le point d), qui stipule la connaissance de la ville.
Et comme c’est en mouchant qu’on devient moucheron, j’ai pris mon courage et le volant à deux mains, et je me suis lancé dans la ville. Finalement, pas trop de mal à me souvenir des rues à emprunter, des routes à prendre et des impasses à éviter. Brazzaville est une petite ville, et on a vite fait de connaître les chemins qui mènent aux Romes locales.

Le plus inattendu, à vrai dire, et ce que signifie réellement ici connaître la route, ce n’est pas avoir le plan de la ville en tête, mais bien plutôt connaître l’état de la chaussée sur laquelle on circule. Ainsi, à la surprise de voir toutes les voitures devant soit se placer au milieu de la chaussée avec une détermination qui force le respect, cède bientôt la surprise de sentir la monstrueuse ornière dans laquelle on a commis l’imprudence de placer sa roue… Et la prochaine fois, on se décalera.
La ville entière est comme ça, le goudron a très souvent cédé par endroits, et laisse apparaître des trous profonds de dix à vingt centimètres, ce qui n’est pas rien, que l’on pourrait appeler nids de poule si on avait en tête des poules bien préhistoriques de cinquante centimètres au garrot, des poules d’attelage en quelque sorte.

Car connaître la route, c’est pouvoir rouler vite sans craindre de casser un essieu dans une crevasse de la chaussée, et surtout, c’est savoir sont les creux (et également où sont les bosses), les dos d’âne, les dos de chameau, les dos de stégosaure. Une fois cette connaissance acquise, la géographie des lieux vient toute seule, et l’on sait également quel chemin emprunter pour se rendre à destination. Et le reste n’est que littérature.

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