18 avril 2006

Le mot du jour #4

Continuité de la différence – Digression – Digression – Digression – Rappel – Ministères congolais – Design congolais – Apitoiement misérabiliste – Retour au réalisme – Considérations politico-économiques – Fin abrupte et déceptive du billet


Bon, une fois n’est pas coutume, le mot du jour est une expression. Oui, je sais, depuis le début, aucun de mes mots du jour n’était un mot du jour, mais ça viendra un jour prochain, promis. Je ferai mon possible.

Cependant, le mot du jour, qui est une expression, me contraint à faire un bref passage en vous expliquant les circonstances de sa survenue (si si, le mot survenue existe). Donc, pas longtemps après mon arrivée à Brazzaville, je suis allé à Kinshasa, comme je n’ai eu de cesse de le faire depuis lors.
A ce propos, pour ceux au fond qui ne suivent pas, je suis en VIE au Congo Brazzaville, aussi appelé la République du Congo, et couramment abrégée en Congo-B. Cependant, mon boss étant le DAF de Brazzaville et Kinshasa, il ne pouvait pas s’occuper des deux de manière satisfaisante, et c’est pourquoi je travaille à plein temps sur la succursale que nous avons à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, ex-Congo Belge, ou Congo Kinshasa, couramment abrégé en RDC ou bien Congo-K. A noter pour les plus avertis que Kinshasa s’appelait par le passé Léopoldville, en l’honneur du célèbre roi des Belges. On peut imaginer qu’à l’époque, on parlait du Congo-L. Pour ceux qui trouvent tout ça un peu compliqué, n’hésitez pas à faire un tableau, voire un joli dessin schématique.

Donc, écrivais-je, je suis à Brazzaville, et mon travail est à Kinshasa. Comme certains s’en seront doutés, je fais très régulièrement les allers-retours de part et d’autre du fleuve (cf. un précédent post sur le Matadi et l’avantage d’avoir un canot rapide). Jusqu’à présent, disons que je suis quatre jours à Brazzaville, trois jours à Kinshasa par semaine. Et bien figurez-vous que tout ça va bientôt changer, puisque je vais probablement aller m’installer de l’autre côté, à Kin, pour de bon, au cours du mois de mai. On peut imagine que je ferais alors cinq jours à Kin et deux jours à Brazza, voire moins.

Soit. Revenons plus haut : j’écrivais qu’à mon arrivée à Kinshasa… et je m’étais arrêté là. Et bien à mon arrivée à Kin, je suis allé (accompagné) au Ministère du Travail. Grande expérience que cela. J’aurais bien aimé prendre des photos. Un grand bâtiment, tout plein de trous, plus de vitres à certains endroits, les murs complètement humides avec la peinture qui s’en va, les couloirs obscurs qui sentent l’urine, le mobilier de bureau qui date de piteuses années 60-70, et des étagères vides, des bureaux vides, des placards vides, des tiroirs vides.

En gros, imaginez un squat, meublé par un brocanteur, avec plein de gens derrière des bureaux, et qui attendent. Ils n’ont pas de stylos, pas de papier, pas de dossiers, et bien entendu pas d’ordinateurs. Si vous avez besoin d’imprimés administratifs, ils vous donnent avec précaution leur original, que vous devez aller photocopier à la machine du coin, pour quelques Francs Congo la copie.

Comme un naïf, je me disais « Fatche, l’Etat Congolais est vraiment à la rue, ses fonctionnaires n’ont même pas de crayons ou de papier… » mais on m’a vite ramené à la réalité africaine : les fonctionnaires se font des extras en revendant par derrière les fournitures de bureau, ce qui explique qu’il n’y ait rien au ministère. Forcément, ça explique aussi la situation économique et politique du pays, par extension. Oui, je sais, on me dira que c’est vilain de généraliser, qu’il ne faut pas tirer de conclusions comme ça… Et c’est vrai qu’au Congo-B, ça marche quand même mieux. La précarité crée toutes sortes d’habitudes qui sont autant de cercles vicieux qui empêchent le pays de s’en sortir, et qui demandent le double d’efforts pour remettre l’économie sur les rails.

Mais tout cela n’est pas ce dont je voulais vous entretenir... Et je m’aperçois que le post est déjà long, vous ne trouvez pas ? Je vous propose de remettre à plus tard la suite, comme ça, ça aère un peu le site, OK ? Merci de votre compréhension ! On parlera du mot du jour qui est une expression une prochaine fois !

11 avril 2006

La ville de tous les dangers

Ou : Pourquoi il ne faut pas faire de travaux éléctriques dans une maison qui s'éboule


Oui, le Congo c'est très dangereux ! Des maisons qui s'éboulent en pagaille, de l'électricité qui sort du robinet et des crocodiles dans la baignoire, j'ai tout eu.

Cependant, il est vrai que ce week-end a été l'occasion d'un orage tout ce qu'il y a de mémorable : des coups de tonnerre effrayants, de la pluie à torrents, et jusqu'à 1,20m d'eau dans les rues, mais heureusement les 4x4 sont hermétiques !

Du coup, c'est une belle piscine que la ville après la pluie. Je ne suis qu'à moitié étonné qu'il y ait eu des éboulements et des électrocutions. En fait, seulement 15 morts sur une ville de plusieurs millions d'habitants, c'est plutôt faible, non?

Quoi qu'il en soit, j'étais à l'hôtel ce WE, où on ne refaisait pas l'électricité (bien qu'il y ait pu y avoir quelques coupures pendant l'orage), et au troisième étage, ce qui fait que je n'ai pas été inondé, comme quelques collègues de travail qui habitent au rez-de-chaussée...

07 avril 2006

Le mot du jour #3

Caractère non négociable du mot du jour – Caractère changeant du même – Caractère onirique du même – Le mot du jour, version africaine – La loterie du calendrier – Aimé ou pas ? – Charlotte nous éloigne – Félicien et les autres – Retour de la barbue – Anecdote historique et culturelle – Retour du chauffeur – Un homme unique – Une situation étrange – Avertissement à l’attention des lecteurs – Projections.


Le mot du jour est un nom, que vous le vouliez ou non. Un nom, mais pas n’importe lequel. Un nom, comme on en a trop rarement ici. C’est le nom d’un chauffeur, que l’on a pris ici à l’essai (et qui malheureusement n’a pas été retenu). Ce nom, c’est en fait son prénom, car son nom je ne le connais pas, son prénom, donc, a tout pour faire rêver. Ici, il me faut introduire une petite pause culturelle.

J’avais entendu avant de venir en Afrique bien des choses désobligeantes sur les gens du quartier. Par exemple, et entre autres, car c’est là que je veux en venir, que la plupart étaient baptisés suivant le mot du jour, c'est-à-dire selon le saint dont on célébrait la fête. Ainsi, né le jour de la St Aimé (on ne se refait pas), j’aurais dû m’appeler Aimé, et pas autre chose, comme Charlotte, par exemple. Le fait est que je ne m’appelle par Charlotte non plus, mais cela nous éloigne du sujet. Donc, on m’avait dit ça. Et moi, je me disais « ah, vraiment, les gens aiment bien inventer n’importe quoi. » Et puis je suis parti.

Et j’arrive ici. Et les gens s’appellent, en vrac : Félicien, Ferdinand, Parfaite (la barbue dont je parlais tantôt), Faustin, Ange, Aigle (ouais, je sais, y a pas de St Aigle mais c’est quand même chelou comme nom, non ?) et ainsi de suite. Je n’ai pas personnellement rencontré de Fetnat, mais je reste persuadé que ce n’est qu’une question de temps.

Après tout, vous connaissez Bokassa ? L’ancien chef de la Centrafrique, répondait au doux prénom de Jean-Bédel. Au premier abord, on se demande un peu d’où ça peut venir… et puis on écoute la radio, et on entend l’information suivante, qui a toutes les chances d’être authentique (et qui est tellement chouette que si la vérité n’est pas celle là, c’est que la vérité se trompe) : Jean-Bédel Bokassa est né le 22 février 1921, ce qui ne vous dit peut-être rien, mais c’est le jour de la Saint Jean-Baptiste de la Salle, souvent abrégée sur les calendriers en « St Jean-B d. L. », ce qui donne, si vous le prononcez à haute voix : Jean-Bédéhel. Il n’y a qu’un pas, que ses parents ne se sont pas gardés de franchir, jusqu’au prénom du regrettable individu.

Donc, ici, si vous voulez faire original, il faut vous lever tôt, parce que ça invente sévère avec les prénoms. Et le meilleur exemple, si vous vous en souvenez bien, c’est celui dont je parlais au début : la justification de mon post, finalement. Et bien ce chauffeur, justement, n’a pas un prénom de calendrier. Ce chauffeur est probablement le seul homme à porter son prénom dans le pays. Et probablement sur terre, à l’heure qu’il est. Ce chauffeur, c’est Georges Pompidou. Juré, c’est son prénom. Notre chauffeur a été Georges Pompidou, pendant une semaine. Mais Georges Pompidou n’a pas été à la hauteur. Nous n’avons donc pas prolongé le contrat de Georges Pompidou. Georges Pompidou est probablement parti vers un destin plus glorieux que celui de chauffeur. Il ne faudrait quand même pas que Georges Pompidou fasse de la politique, ça ferait désordre, non ? Peut-être, avec un autre prénom, aurait-il pu. La faute à ses parents, finalement.

La morale à tirer de tout cela ? Et bien, c’est que quand vous aurez des bébés ou autres, il ne faudra pas les appeler Ségolène-Royal Colombain, Jacques-Chirac Chaperon ou bien Georges-W-Bush Butty. Ce serait grandement les handicaper par la suite…