30 novembre 2006

Rassurer, encore...

Voilà, qu’est-ce que je disais, il faut constamment rassurer les gens ! (mais on peut avouer qu’il y en a besoin…)

Donc, nous avons passé la dernière semaine et demie à Brazza… mardi, nous nous sommes dit : bon, on dirait que c’est un peu plus calme, on va aller faire un tour… et puis pouf, à 11h, (nous étions tous au bureau), manifestation devant la Cour Suprême de Justice, dispersée par des tirs de la police locale. Qui en retour se fait tirer dessus par les partisans de Bemba, dont la maison est à quelques dizaines de mètres. Débandade, même la Monuc s’embrouille les pinceaux, et quitte la place, a lors qu’elle aurait dû maintenir l’ordre ! (il y aurait eu, en fait, cafouillage entre l’État-major et le terrain)… Bref, des voitures de police brûlent, je crois même qu’une jeep de l’Eufor a été brûlée également… et une partie de la Cour Suprême de Justice a aussi brûlé… Les pompiers municipaux sont intervenus, mais ils n’avaient plus d’eau, et c’est donc les pompiers de la Monuc qui sont arrivés pour finir le travail… quand on sait que le fleuve est à cinq cent mètre !

L’événement prend une autre tournure quand ont sait que Kabila a été élu à 58% des voix, et que Bemba, candidat déçu, a déposé un recours… à la Cour Suprême de Justice ! Des rumeurs ont circulé, annonçant que les papiers du recours avaient brûlé avec le reste, mais il semble que cela ne soit pas le cas, et la procédure suit son cours.
Quoi qu’il en soit, nous sommes repartis le jour même à Brazzaville, pour revenir le lendemain faire un aller-retour. Jeudi, c'est-à-dire hier, nous avons constaté que la situation ne dégénérait pas, nous avons décidé de revenir et de rester. J’ai donc dormi chez moi cette nuit, ce que je n’avais pas fait depuis presque une semaine....
Entre-temps, notre patron a déjeuner avec le chef d’État-major des Forces Armées de la RDC, qui lui a confirmé que les troupes de Bemba se repliaient comme il leur avait été demandé à 80km au Nord de la ville. Cependant, un ultimatum a été fixé à 48h pour que ce repli soit effectif, et si des incidents doivent éclater, il est probable que ce soit à l’issue de cet ultimatum… le Chef d’EM considérait qu’il suffisait de rester chez soi, mais… on n’est jamais trop prudent, donc, nos sacs sont restés fermés hier soir, et ce midi, nous repartons pour Brazza ! Du coup, j’en connais une que cette situation ravit, et je dois reconnaître que tout cela comporte finalement de bons côtés, nous n’en espérions pas tant.

Nous allons y passer le WE, et dès lundi, nous allons faire les allers-retours vers Kinshasa la journée. Probablement, nous dormirons chez nous à partir du jeudi soir de la semaine prochaine.

C’est dommage, j’avais un ananas délicieux au frigo.

20 novembre 2006

Bon, je vais bien.

C’est amusant, mais ici, on doit constamment rassurer les gens sur la situation. Il faut dire qu’il y en a besoin.

Bref rappel d’actualité récente mais pas assez pour les médias français : les Congolais de RDC (Kinshasa) ont eu à voter il y a quelques semaines pour départager J.Kabila de JP.Bemba (cf. un post d’il y a quelques semaines). Le premier a le soutien de la communauté internationale, et est fortement soutenu dans l’est et le nord du pays. Le second fait plus peut, c’est un chef de guerre, il n’hésite pas à recourir à la violence, et est en revanche plébiscité à l’ouest du pays, et plus particulièrement à Kinshasa, entièrement acquise à sa cause.

Problème : les résultats officiels doivent être donnés dans la semaine qui vient. Cependant, comme l’annoncent les résultats provisoires, il est sur le point de perdre face à Kabila, de l’ordre de 30% contre 70%. Et de contester les résultats non proclamés, et crier à la fraude massive. Ce qui a de grandes chances d’être vrai, mais aussi de faire tomber le pays dans la guerre civile.

Bref, plus les résultats s’approchent, plus la tension monte. Samedi dernier, nous étions au travail, comme d’habitute. La veille, nous avions reçu un texto de l’ambassade de France annonçant que les Shégués (enfants des rues, mais bon, ils sont nombreux à avoir 25-30 ans…) allaient se réunir sur le Boulevard du 30 Juin (la plus grosse artère de la ville, une sorte de Champs-Élysées couleur locale), devant le siège de JP.Bemba, pour lui affirmer leur soutien.

Le samedi matin, des tirs de mitraillette ont été entendus : comme on pouvait d’y attendre, la manifestation a tourné à l’affrontement, les shégués étant bien entendu venus pour en découdre. Et puis la garde rapprochée de Bemba s’y est mise également, à tirer sur les forces régulières de la police. Quelques obus ont aussi été tirés, mais les mérites du mortier dans la dispersion de foule sont encore à prouver, et la tension n’est retombée que bien plus tard dans la journée.

Entretemps, nous avons reçu l’instruction de rester cantonnés chez nous. Certains collègues n’ont pas pu atteindre leurs appartements, qui étaient situés derrière la zone d’affrontement. De l’agence, on pouvait voir l’exode des taxis brinquebalants fuyant le centre ville… et nous avons remonté le flot des voitures, car c’est en centre-ville que nous habitons ; nos chauffeurs roulaient à tombeau ouvert, car s’arrêter peut signifier pas mal de problèmes surtout pour les blancs qui sont assimilés par la population à des américains, c'est-à-dire à des soutiens de Kabila, c'est-à-dire à des ennemis de Bemba, c'est-à-dire à des ennemis de la population Je schématise, tout le monde n’est pas hostile, mais dans ce contexte, nous n’avions pas vraiment le cœur à considérer les affinités respectives des uns et des autres.
A notre arrivée, les rues étaient désertes, et la ville semblait attendre de voir ce qui allait se passer. Le temps de fourrer quelques affaires dans un sac de voyage, nous sommes allés toujours à pleine vitesse au Beach (l’embarcadère) pour prendre notre bateau… arrivés de l’autre côté, à Brazzaville, on a pu souffler : pas vraiment eu chaud, mais au moins, en cas de coup dur, on est en sécurité.

Aujourd’hui, les informations sont les suivantes : les heurts ont fait quatre ou cinq morts, Bemba contrôle plus ou moins la ville, les gens sont à bloc et semble ne pas vouloir accepter la défaite de Bemba. De son côté, à ce que nous savons, Bemba a fait partir sa famille aux Etats-Unis, et ses voitures à Brazzaville… Cet homme semble prudent…

Bref, je suis à Brazza, j’y reste selon toute évidence pour la fin de la semaine, et pour le reste on attend de voir !
Comme je vous le disais, tout va bien, et il n’y a pas de souci à se faire pour moi, tant que les soucis restent de l’autre côté du fleuve !
Allez, je vous tiens au courant, et à bientôt !

15 novembre 2006

Des nouvelles

Voilà un petit rappel de tous les faits récents à Kinshasa et Brazzaville, pour ceux qui n’auraient pas suivi :

J’ai donc emménagé à Kinshasa il y a de cela deux mois. L’appart est cool, et la ménagère est aussi très bien, c’est une maman qui me fait aussi les courses. Un jour, je lui ai demandé de m’acheter des mangues (qui sont ici super bonnes, et encore, je ne vous parle pas des petits ananas sucrés et délicieux, si tendres, ni des avocats fondants et doux, ni… bon, je m’arrête ici, hein, mais vous voyez le topo). Donc, pour qu’elle puisse acheter des mangues, je leui donne 1.000 Francs Congo, soit un peut moins de dix francs français.

- Interlude monétaire -

Oui, alors ça c’est un des effets néfastes des monnaies locales. Comme vous le savez – ou pas – au Congo Brazza c’est le franc CFA qui a cours. Le franc CFA a l’avantage d’avoir un taux fixe avec le franc français, soit 1FF = 100 FCFA, donc on ne raisonne qu’en centimes, si vous préférez. Sauf que je m’étais bien habitué à l’euro, donc ça fait marrant de repasser en francs… Mais arrivé à Kinshasa, vous passez à deux nouvelles monnaies : la monnaie locale, c’est le Franc Congo, qui perd sa valeur à vue d’œil. Pour vous donner une idée, la plus grosse coupure en euros, ça doit être le billet de 500… et bien ici aussi. Mais 500 francs Congo valent aujourd’hui un peu moins de 1 dollar américain… donc, la seconde monnaie à circuler, c’est le dollar, qui est infiniment plus pratique pour les gros achats (ou même les petits : pour dépenser 20$, vous avez soit : un billet de 20$, soit 22 billets de 500fc !). Et là la jonglerie devient infernale : quand on a un montant en francs Congo, on doit le convertir au taux flottant en dollars, et de là le refaire passer en euros si on n’a pas trop perdu l’habitude, soit en francs français… bref, c’est abominable.

- fin de l’interlude -

Donc, je donne dix balles à ma ménagère pour trois mangues, et quand je reviens le soir, quelle n’est pas ma surprise de voir mon frigo rempli de : carottes, haricots, pommes, choux, tomates, aubergines, concombres, oignons, persil, et tout et tout. Et des mangues, aussi. Ca m’a tué, c’était tout trop bon, en plus.
Du coup, maintenant, une fois par semaine, je donne 10 francs à ma ménagère pour qu’elle me remplisse le frigo de fruits et légumes frais et a fortiori BIO !

Le second point, c’est l’arrivée à Brazzaville de Diem il y a un mois : elle a été embauchée chez Acted, en tant qu’Administratrice (ce qui dans le langage ONG équivaut à Directrice Administratrice et Financière, ou Finance Manager).
Du coup, ça améliore pas mal la vie : jusqu’à présent, j’ai passé tous mes week-ends à Brazzaville, à profiter de la ville, et surtout de la compagnie de ma charmante amie. Comme quoi, même au bout du monde, il y a certains luxes dont on ne peut se passer…
Bref, à présent, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, puisque toute la petite famille est réunie (enfin, deux personnes, quoi), et que nous allons passer le reste de notre séjour plus ou moins ensemble, suivant les aléas de nos emplois respectifs, mais disons que nous nous verrons tous les cinq jours, ce qui, vous en conviendrez avec moi, représente un net progrès par rapport à la situation qui prévalait précédemment.

Et pour ceux qui ne le sauraient pas, Diem et moi sommes depuis cet été (genre, le 3 août) officiellement fiancés, dans la joie et la bonne humeur, et pour notre plus grand plaisir ! Ca ne veut pas dire qu’on va s’habiller en noir et blanc dans un an, mais disons que ça augmente la probabilité de réalisation d’un tel événement dans le siècle à venir.